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WWF : le serviteur de l’agrobusiness et de la mondialisation
Javiera Rulli / vendredi 28 mai 2010
 

Le Fonds Mondial pour la Nature (WWF) est devenu le secrétariat environnemental de la
production globale de matières premières. Les Tables Rondes pour la Production Durable des
pires monocultures de l’agriculture mondialisée sont dirigées par le WWF. La Table Ronde
du Soja Responsable (RTRS), à laquelle participent des firmes comme Monsanto, Syngenta,
Cargill, Bunge y ADM, est le cas le plus flagrant.
Une gigantesque opération de greenwashing pour cacher la destruction sociale et
environnementale causée par le soja en Amérique du Sud ; déforestation, pollution des milieux
naturels et des personnes. Des listes sans fin de violations des Droits de l’Homme perpétrées
par l’agrobusiness sont ignorées par le WWF afin de « préserver des Zones de Haute Valeur
de Conservation ».

Le WWF est entré dans les principaux groupes de lobbying de l’Organisation Mondiale du
Commerce (OMC), pour promouvoir la privatisation des dernières forêts et les certifications
« vertes ». Le rôle de la RTRS et du WWF au sommet de Copenhague sur le climat et à la
réunion de l’OMC à Genève est néfaste.
En Mai 2009, à la 4ème conférence de la RTRS (i), une voie nouvelle a été ouverte pendant la
discussion finale, par la proposition de mécanismes de compensation et de marchés du
carbone pour l’agrobusiness du Soja. L’exposé a été donné par Jason Clay, directeur de la
section « marchés » du WWF et vice-président du WWF-Etats-Unis. Clay est un adepte
enthousiaste du modèle néolibéral et de la mondialisation économique, et un fervent défenseur
des agrocarburants.
Il a présenté le marché du carbone comme la nouvelle opportunité pour l’agrobusiness. Clay
défend, pour le futur protocole sur le climat, la prise en compte du soja par deux mécanismes
financiers possibles ; les mécanismes REDD (1), par lesquels les producteurs de soja seraient
récompensés pour maintenir une certaine couverture arborée dans leurs latifundium, et l’accès
aux crédits de carbone pour des pratiques agricoles cataloguées comme
« conservationnistes ».

En juin 2009, dans un communiqué de presse de la Table Ronde du Soja Responsable, Jason
Clay a affirmé que :
« Le défi maintenant est de trouver des mécanismes pour récompenser les producteurs qui
protègent les forêts et le sol, en leur permettant de vendre du carbone en même temps que leur
soja. Tout le monde y gagnerait ; les bois et le sol sont protégés, les producteurs ont une
source supplémentaire de revenu, les revendeurs aussi bien que les marques peuvent acheter
du Soja Responsable comme une manière de réduire leur empreinte carbone. Les études
préliminaires suggèrent qu’en zone forestière, les producteurs peuvent obtenir plus de revenu
net par la vente du carbone qu’avec le soja. Ceci change complètement le soja, et le
transforme en un nouveau type de matière première.(ii)
Une publication récente de l’Université d’Utrecht révèle la tentative d’obtenir des crédits
carbone pour le soja, laquelle est interprétée par Clay lui-même comme le moyen de sauver la
RTRS. Il soutient qu’aujourd’hui, selon les critères de la RTRS, il n’y a pas de meilleur
stimulant ni de plus grand bénéfice direct pour l’agrobusiness. Les grands producteurs ne sont
pas disposés à améliorer leurs pratiques, si en échange ils n’obtiennent pas une récompense
économique substantielle. Ceci pour la raison que le soja est un modèle de production
invisible pour le consommateur, avec un marché et un chiffre d’affaires illimités pour les
producteurs. Dans ce sens, la Table Ronde serait sur le point d’échouer, vu que les grandes
organisations de producteurs n’y participent pas sérieusement.
Actuellement la RTRS n’intéresse plus l’agrobusiness du Soja, qui s’est rendu compte qu’il
n’y avait pas de campagne médiatique pouvant affecter son marché. Pour cette raison
APROSOJA, un des plus gros collectifs de producteurs du Brésil, a abandonné la RTRS à la
4ème conférence.(iii)

« Pour le WWF il importe peu que le soja continue son expansion. Sa priorité est de
s’approprier des restes de forêts qualifiés comme Zones de Haute Valeur de
Conservation, ou assurer la gestion environnementale des restants de forêts épargnés
par les latifundistes producteurs de soja. »
La proposition concrète du WWF est que la RTRS appuie le développement de mécanismes
permettant aux producteurs de soja d’accéder au marché international des crédits carbone
selon la superficie de forêts préservées. Dans ce cas, le soja pourrait être vendu conjointement
à des crédits carbone d’une valeur moyenne de 5 à 10 dollars US la tonne (iv). Au WWF il
importe peu que le soja continue son expansion. Sa priorité est de s’approprier des restes de
forêts qualifiés comme Zones de Haute Valeur de Conservation, ou assurer la gestion
environnementale des restants de forêts épargnés par les latifundistes producteurs de soja.

Sous une couverture supposément environnementaliste, l’agrobusiness pourrait bénéficier
économiquement de la privatisation des dernières forêts restantes, tout en causant l’expulsion
de populations indigènes et paysannes. Au Nord, les compagnies pourraient continuer à
acheter du soja tout en réduisant leurs quotas de pollution. Le succès des négociations de
Copenhague pour le WWF, selon Jason Clay, pourrait démontrer de nouveau aux grands
producteurs l’intérêt de faire partie de la RTRS et même convaincre APROSOJA de revenir à
la Table Ronde.(v)
Simultanément, sous le terme « Agriculture de Conservation », l’agrobusiness exerce un fort
lobbying à l’Organisation pour l’Agriculture et l’Alimentation (FAO) et à la Convention
Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (CCNUCC), dans le but d’obtenir des
bons de carbone pour les monocultures. Les critères de durabilité de la RTRS dans ce cas
pourraient être la base de futures méthodologies pour les Mécanismes de Développement
Propres (MDP) et/ou les organisations membres pourraient même opérer comme certificateurs
nationaux (vi).

L’approbation du premier projet de méthodologie de MDP portant sur la production de soja a
déjà été obtenue. Le projet consiste dans l’inoculation des semences de soja avec des bactéries
fixatrices d’azote, afin de diminuer l’emploi de fertilisants. Le projet a été développé par
Becker Underwood qui a passé un accord avec Monsanto sur la production et la
commercialisation de ce type de bactéries.
Egalement, sous le couvert de modes de gestion supposés conservationnistes, des crédits sont
demandés pour le Semis Direct (3), élément fondamental du paquet biotechnologique du soja
transgénique. L’AAPRESID, Association Argentine de Producteurs en Semis Direct, allant au
devant des nouvelles politiques, a lancé un programme d’Agriculture Certifiée (AC)
potentiellement en mesure de se réclamer des MDP.
De son côté, Monsanto a déjà obtenu que la loi sur le climat sur le point d’être votée aux
Etats-Unis inclue l’accès au marché du carbone pour l’agriculture et le semis direct. De plus,
l’année suivant sa fondation, le Centre d’Information pour les Technologies de Conservation
(CTIC, son acronyme en anglais) (4) a organisé aux Etats-Unis, conjointement avec la FAO et
avec l’appui technique de la CCNUCC, un colloque sur l’Agriculture de Conservation pour la
Compensation de Carbone.

Au sein du lobby de l’agriculture de conservation, pro Semis Direct, nous tombons de
nouveau sur le WWF et Jason Clay, dans la plateforme sur le Changement Climatique,
l’Agriculture et le Commerce, des organisations ICTSD-IPC. Depuis l’année 2008, monsieur
Clay, en tant que représentant du WWF, est membre du Conseil International des Politiques
Alimentaires et du Commerce Agroalimentaire, dont l’abréviation usuelle est IPC (5). L’IPC
est un lobby au sein de l’OMC. Il est contrôlé essentiellement pas Cargill, Monsanto, Bunge
et ADM. L’ICTSD est le Centre International du Commerce et du Développement Durable,
dont l’acronyme en anglais est ICTSD.(6)
La plateforme de l’ICTSD-IPC a publié en octobre une série de recommandations pour les
deux grandes conférences de la présente année : la 7ème Conférence Ministérielle de l’OMC et
la Conférence des Nations Unies sur le Changement Climatique. Le document propose dans
ses grandes lignes de conclure les négociations de Doha, d’intensifier la production d’aliments
en utilisant les nouvelles technologies, d’appuyer l’agriculture de conservation et les
mécanismes du marché du carbone comme moyen principal d’adaptation au changement
climatique.

« Autant l’agriculture de conservation que les technologies nouvelles peuvent réduire la
dépendance aux combustibles fossiles et augmenter notre capacité à retirer le carbone
de l’atmosphère pour littéralement l’enterrer dans le sol, tout en augmentant les
rendements agricoles »(vii)
Eviter que les nouveaux accords internationaux sur le changement climatique ne
contreviennent au cadre de libre commerce et aux principes de l’OMC est une des principales
préoccupations de ce document. Selon eux, les deux niveaux doivent être en cohérence. Ils
définissent même la libéralisation du commerce comme une mesure écologique qui :
« améliorerait le flux des produits depuis les régions qui produisent de la nourriture avec peu
d’émissions de carbone vers des régions où ces émissions seraient supérieures »(viii)
Il ne faut pas sous-estimer le pouvoir de l’IPC. Cette organisation a été dénoncée comme étant
à l’origine de la réclamation devant l’OMC contre le moratoire sur les OGM en Europe. Elle a
été également impliquée dans l’affaiblissement de la Convention sur la Biodiversité, pour que
celle-ci reste soumise aux accords de l’OMC (ix). D’une manière surprenante, nous sommes
informés sur sa page d’accueil que le WWF est membre financeur. Ce qui montre clairement
que le WWF ne s’oppose ni au libre commerce ni aux OGM (7).
L’approbation des OGM par le WWF est de plus en plus évidente. Depuis Août de cette
année, nous voyons qu’il participe au dialogue : l’ « Initiative Récolte Globale » des
multinationales Monsanto, DuPont, et ADM. Il s’agit d’une campagne de marketing pour
appuyer le développement des biotechnologies. A cette campagne participent le WWF et
Conservation International. A la conférence de lancement de la campagne, Clay a fait un
exposé sur « la durabilité et la capacité à alimenter le monde » (x).
En septembre, le WWF a établi une alliance avec la firme Novozymes, appelée « Ensemble
sur l’Initiative des Biosolutions – Eliminons le premier milliard de tonnes de CO2 » (8).
Novozymes, leader industriel dans les biotechnologies, est spécialisée dans les enzymes et
bactéries. La compagnie promeut fortement le développement des agrocarburants de
deuxième génération. Auparavant, le WWF-Danemark a publié une étude « Réduction des
gaz à effet de serre (GES) par les biotechnologies industrielles », basée sur des calculs de
l’équipe de Novozymes. Le document promeut essentiellement la « biotechnologie blanche »
(9) ; la bioéconomie (10) et le nouveau concept industriel de bioraffinerie (11), lesquels
impliquent par essence l’usage d’OGM (cellules et enzymes) pour l’industrie et la production
d’énergie (xi). Dans un document en ligne sur Internet, on mentionne aussi la collaboration du
WWF avec Novozymes à propos de la conférence sur le climat. Ce document traite de
l’agenda d’Europabio, le groupe de lobbying des biotechnologies le plus important d’Europe
(xii). Clay s’est également déclaré publiquement favorable aux agrocarburants de deuxième
génération, comme l’éthanol cellulosique (xiii).

La 4ème conférence de la RTRS a confirmé la compatibilité du soja transgénique avec les
critères de durabilité. Par rapport aux pesticides non plus, il n’y a eu aucune condamnation de
la production : on qualifie de « responsable » l’épandage de pesticides jusqu’à 30 m des
personnes, 200 m en cas d’épandage par avion ! Les critères ne sont pas davantage restrictifs
par rapport à la déforestation ; le soja responsable peut pousser sur des zones déforestées
jusqu’à mai 2009. Et des champs ouverts postérieurement à cette date peuvent être qualifiés,
s’ils ne sont pas considérés comme Zones de Haute Valeur de Conservation (xiv).
Les critères de la RTRS sont l’accomplissement de la volonté de ses éminents membres,
firmes aussi controversées que Unilever, Monsanto, Syngenta, Cargill, Bunge, Carrefour,
ADM, BP, IFC qui fait partie de la Banque Mondiale, entre bien d’autres multinationales. A
la RTRS sont aussi présents les plus gros producteurs de soja du continent : le groupe Grobo,
d’Argentine, qui possède des terres dans tout le Cône Sud, le groupe Maggi de l’exgouverneur
du Matto Grosso qui est le premier producteur mondial de soja et à la tête de tout
un clan économique et politique brésilien. Un autre membre choisi est AAPRESID, une
institution argentine de techniciens et producteurs, patronnée par Monsanto (xv).

Les seules ONG participant à la RTRS sont des organisations « conservationnistes » comme
The Nature Conservancy, Conservation International, et les directions locales sudaméricaines
du WWF et de Birdlife. La RTRS a fait face depuis son début au refus de participation des
ONG écologistes et des organisations à caractère social, principalement celles du Sud. Elle a
été dénoncée comme une initiative de greenwashing destinée à légitimer l’expansion du
modèle du soja.
« L’organisation adhère officiellement au principe de précaution par rapport aux OGM,
bien que ses pratiques démontrent exactement le contraire. Elle fait en réalité la
promotion des OGM. Cette action hypocrite est à un haut degré source de confusion
pour le public, et pour les militants de base de l’organisation elle-même »
Les informations précédentes révèlent le cadre d’action du WWF.

L’organisation adhère
officiellement au principe de précaution par rapport aux OGM, bien que ses pratiques
démontrent exactement le contraire. Elle fait en réalité la promotion des OGM. Cette action
hypocrite est à un haut degré source de confusion pour le public, et pour les militants de base
de l’organisation elle-même. Il faut souligner que le WWF soigne particulièrement le
marketing et la stratégie de sensibilisation à l’égard de ses propres membres. Pourtant, ceux-ci
n’ont pas idée de la sphère internationale et managériale de l’organisation. Ils n’ont pas non
plus de moyen d’accéder et/ou de dénoncer le jeu politique international de la division
internationale du WWF.

A la veille des conférences de l’OMC et de la Convention du Climat de Copenhague, il ne
reste aucun doute sur la complicité du WWF avec le monde des affaires. Ses actes ne peuvent
être justifiés, il ne s’agit pas simplement d’une stratégie correspondant à une vision étroite et
conservationniste. Par son comportement, il couvre et protège directement les multinationales,
et parvient à détourner les discussions et négociations politiques internationales. Les alliances
du WWF avec l’industrie transforment cette organisation en un nouveau type de lobby.
Un des rôles du WWF semble être de faire obstruction aux dénonciations et affirmations des
mouvements sociaux écologistes et des organisations sociales et scientifiques critiques. Le
Panda a fini par devenir le serviteur fidèle qui joue la symphonie environnementaliste pour
que le modèle de mondialisation économique puisse présenter une apparence de durabilité
supposée. L’heure est venue que quelqu’un démasque les affaires sales de cette organisation
et que le WWF reçoive la réprobation populaire qu’il mérite.

Références et notes :

(1) Réduction des Emissions consécutives à la Déforestation et à la Dégradation des Forêts

(2) APROSOJA produit à peu près 25 % de la récolte annuelle du Brésil.

(3) Le semis direct est une technique agricole qui dispense de labourer ou travailler la terre.
Au moment du semis, les graines sont littéralement enfoncées dans la terre. La combinaison
du soja RR (Roundup Ready) et du semis direct est un succès commercial. Au désherbage
mécanique (par le travail de sol) est substitué le désherbage chimique, réalisé avec du
glyphosate (matière active du Roundup). Le semis direct rend indispensable l’usage des
herbicides pour le désherbage ; en ce sens, il serait plus adéquat de l’appeler « Semis Direct
Chimique ».

(4) Le CTIC est un centre de recherches agricoles dont le conseil d’administration comprend
des membres des firmes Monsanto, John Deere, The Nature Conservancy (TNC), le Fertilizar
Institute, Syngenta et CropLife America.

(5) International Food and Agricultural Trade Policy Council (IPC)

(6) International Centre for Trade and Sustainable Development

(7) l’IPC a été créé en 1987 dans le but explicite de faire en sorte que les règles sur
l’agriculture du GATT de l’OMC soient adoptées au moment de l’Uruguay Round. L’IPC
demande l’élimination des barrières douanières des pays en développement et reste neutre
devant les subventions massives à l’agrobusiness des Etats-Unis. De fait, l’IPC est manipulé
par les géants américains Cargill, Monsanto, Bunge, ADM, dont les intérêts sont servis par les
principes de l’OMC qu’ils préparent eux-mêmes.

(8) Coming together in the Biosolutions Initiative – Eliminating the first billion tonnes of
CO2

(9) La biotechnologie blanche se rapporte en général aux bactéries transgéniques et aux
enzymes issus de ces bactéries, utilisés dans des processus industriels.

(10) La bioéconomie se réfère à « une économie basée sur la biotechnologie utilisant des
matières premières renouvelables, particulièrement la biomasse et ses gènes, pour produire
des produits et de l’énergie à moindre coût environnemental, en générant du travail et du
revenu ».

(11) La bioraffinerie est un concept homologue à la raffinerie pétrochimique, dans lequel de
multiples produits sont obtenus dans des installations intégrées. Bioraffinerie signifie une
industrie qui intègre différents procédés de conversion pour produire depuis des carburants
pour le transport (éthanol et diesel) jusqu’à des produits chimiques de haute valeur.

(i) www.responsiblesoy.org

(ii) http://www.worldwildlife.org/who/media/press/2009/WWFPresitem12532.html

(iii) Nikoloyuk, J. 2009 “Sustainability Partnerships in Agro-Commodity Chains : A model of
partnership development in the tea, palm oil and soy sectors.” Utrecht-Nijmegen Programme
on Partnership

(iv) Ibid.

(v) Ibid.

(vi) http://lasojamata.iskra.net/es

(vii) http://www.forbes.com/fdc/welcome_mjx.shtml

(viii) http://www.agritrade.org/documents/IPC_PlatformForWeb_final.pdf

(ix) http://www.globalresearch.ca/index.php?context=va&aid=2202

(x)
www.globalharvestinitiative.org/Agriculture%20at%20a%20Crossroads%20Final%20Agenda
.pdf

(xi) www.biofuelsandclimate.files.wordpress.com/2009/03/wwf-biotech.pdf

(xii) http://lasojamata.iskra.net/es

(xiii) http://www.guardian.co.uk/environment/2009/may/07/green-biofuels-endangerbiodiversity

(xiv) http://www.corporateeurope.org/agrofuels/blog/nina/2009/05/30/soy-round-table-failsall-
fronts

(xv) www.responsiblesoy.org

Commentaire

A propos de l’Agriculture de Conservation et du semis direct
Javiera Rulli écrit en notes :

Le semis direct est une technique agricole qui dispense de labourer ou travailler la terre. Au
moment du semis, les graines sont littéralement enfoncées dans la terre. La combinaison du
soja RR (Roundup Ready) et du semis direct est un succès commercial. Au désherbage
mécanique (par le travail de sol) est substitué le désherbage chimique, réalisé avec du
glyphosate (matière active du Roundup). Le semis direct rend indispensable l’usage des
herbicides pour le désherbage ; en ce sens, il serait plus adéquat de l’appeler « Semis Direct
Chimique ».

La définition ainsi donnée du semis direct n’est pas fausse, mais beaucoup trop restrictive.
Plus haut, dans le texte de son article, elle écrit : « …le Semis Direct, élément fondamental du
paquet biotechnologique du soja transgénique. » A mon avis, il s’agit là d’une erreur
profonde et potentiellement lourde de conséquences.
Le semis direct est l’une des nombreuses appellations par lesquelles on désigne un vaste
ensemble de techniques agronomiques concernant au premier chef la culture de plantes
annuelles à graines (céréales, oléoprotéagineux) et ayant en commun un abandon plus ou
moins complet du travail du sol. Le renoncement au travail du sol a deux conséquences
principales :

- il faut trouver le moyen de contrôler la végétation adventice sans labour ni sarclage ; ce
contrôle est assuré pour partie par les désherbants chimiques, pour partie grâce à la couverture
permanente du sol par la végétation active et les résidus de culture. Ce principe de la
couverture permanente du sol est systématiquement associé au semis direct.
- Sous sa couverture permanente, le sol évolue comme un sol naturel : il voit son taux
d’humus monter rapidement vers l’optimum atteint spontanément dans les milieux non
perturbés, les populations d’animaux du sol et la microflore microbienne retrouvent des
niveaux naturels toujours beaucoup plus élevés que sous le labour, l’érosion cesse totalement
et définitivement, les rendements sont potentiellement aussi élevés sinon plus que sous labour,
le besoin en énergie de traction est divisé par deux ou plus, de même que le temps de travail à
l’unité de surface, enfin la biodiversité proprement agricole s’épanouit, et avec elle les
régulations naturelles de nombreux parasites et maladies.
C’est une voie d’évolution de l’agriculture contemporaine, complètement distincte sur le plan
technique des biotechnologies et des OGM. Le semis direct s’adresse à toutes les plantes
annuelles cultivées, il se pratique et s’expérimente sous tous les climats, sur tous les
continents, dans toutes les conditions socio-économiques de la production agricole, et dieu
sait si elles sont variées. Il est tout à fait vrai que pour l’heure, l’aboutissement le plus
spectaculaire de ces techniques s’observe dans les systèmes agricoles bien particuliers : les
latifundia d’Amérique du Sud, où précisément on cultive du soja très souvent transgénique,
pour le marché mondial, dans un cadre socioéconomique quasi complètement dominé par les
multinationales. Mais ces techniques sont aussi appliquées en Amérique du Nord à des
cultures de blé, de maïs, de colza, etc., en Afrique, à Madagascar, en Asie, en Europe, dans
des systèmes agroéconomiques extrêmement variés, parmi lesquels des céréalicultures
spécialisées, des systèmes mixtes culture-élevage, des exploitations en agriculture biologique,
de la production vivrière en culture attelée ou à la main, du jardin familial mulché et couvert.
La surface aujourd’hui cultivée en semis direct, dans le monde entier, est de l’ordre de 100
millions d’ha. A l’origine de ces techniques (d’après Claude Bourguignon, communication
personnelle), il y a le travail de pionnier de Masanobu Fukuoka, agronome et paysan japonais
ayant ouvert par l’exemple, à l’échelle de sa ferme de 6 ha, la voie d’une agriculture très
productive, parfaitement naturelle, parfaitement respectueuse des sols, indéfiniment durable.
Fukuoka a fait beaucoup d’émules, mais son « paquet technique » est délicat sinon difficile à
s’approprier, en grande partie à cause du problème du contrôle de la végétation adventice. En
Amérique, les pionniers ont vu la possibilité d’adopter ses principes sans renoncer aux
désherbants chimiques, ce qui facilite grandement le processus de transition, et
accessoirement laisse à Monsanto son débouché pour le Roundup.
Il est important de reconnaître à ces techniques leurs mérites, qui ne sont pas minces : outre
les effets écologiques favorables précédemment cités, la prétention à « enterrer dans le sol » le
carbone par milliard de tonnes est parfaitement justifiée (ordre de grandeur : 1 à 2 tonnes de
carbone pur réincorporé dans le sol par ha et par an pendant la phase de remontée du taux
d’humus, qui peut durer 20 ou 30 ans). A l’échelle de la Terre on a là un énorme puits
potentiel de carbone. Evidemment il faut relativiser : par ce type de technique agronomique,
on ne fait que remettre dans le sol le carbone que le labour lui a précédemment arraché, et ce
carbone ne restera dans le sol que tant que celui-ci ne sera pas relabouré. Il est clair qu’il
serait plus qu’hypocrite de raser la forêt et de revendiquer immédiatement des crédits carbone
sous le prétexte de cultiver sans labour.

Rendons à César ce qui est à César : l’explosion du soja en Amérique Latine est une
catastrophe à plus d’un titre, sur les plans sociopolitiques et écologiques ; la prétention de
l’agrobusiness du soja à être récompensé pour « séquestrer » le carbone qu’il a lui-même
libéré dans l’atmosphère est insupportable ; le comportement du WWF sans doute
parfaitement condamnable. L’idée tordue de confier au « Marché », au moyen des crédits
carbone, la réparation des dégâts écologiques majeurs qu’il engendre lui-même est le plus sûr
moyen d’échouer. Les « certifications écologiques » qui s’élaborent là sont de toute évidence
destinées à entretenir l’opacité, non seulement sur les conditions écologiques de la production,
mais aussi sur ses conséquences sociales et politiques. La revendication de faire
subventionner pour motif écologique cette agriculture, qui expulse par la violence paysans et
indigènes, déboise à grande vitesse, produit du grain OGM destiné à l’élevage industriel des
pays riches (dont les produits sont à la fois de luxe et de mauvaise qualité), n’est qu’une
provocation de plus.
Mais gardons-nous de rejeter d’un même mouvement le pire et le meilleur. L’agrobusiness du
soja est l’image même de ce que l’industrie et le libéralisme réunis peuvent faire de pire en
matière de production agricole, mais les techniques de culture qu’il met au point et utilise à
très grande échelle sont parmi les meilleures qui soient.


Traduction et commentaire : Pierre Besse